La détention provisoire a remplacé la détention préventive depuis la loi du 17 juillet 1970 qui a également institué une mesure intermédiaire entre la liberté et l'incarcération, le contrôle judiciaire. La détention provisoire est une mesure d'incarcération d'un mis en examen pendant l'information (ou instruction) judiciaire. Elle peut également être ordonnée dans le cadre d'une comparution immédiate (si l'audience ne peut pas avoir lieu le jour même mais seulement dans les 3 jours) ou dans le cadre d'une comparution à délai différé (article 397-1-1 du Code de procédure pénale).
Contraire à la présomption d'innocence, la détention provisoire doit rester l'exception. La décision de placement en détention provisoire ne peut être prise que dans des cas déterminés et par un magistrat du siège après un débat contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du ministère public, puis les observations du mis en examen et le cas échéant celles de son conseil.
Bon à savoir : le temps passé en détention provisoire est imputé sur la durée totale de la peine.
Conditions de fond de la détention provisoire
La détention ne peut être ordonnée que si l'infraction reprochée est un crime ou un délit pour lequel la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.
Elle est sollicitée par le procureur de la République dans son réquisitoire introductif ou supplétif.
En outre, au moins l'une des trois conditions suivantes doit être remplie :
- La détention provisoire apparaît comme l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices.
- La détention provisoire est l'unique moyen de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement.
- La détention provisoire est l'unique moyen de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice causé.
À noter : cette dernière condition n'est applicable qu'en matière criminelle.
Bon à savoir : des règles particulières s'appliquent concernant la détention provisoire des mineurs et des jeunes adultes.
Conditions de forme de la détention provisoire
La décision de placement en détention provisoire émane du juge des libertés et de la détention, lequel se prononce après un débat contradictoire. Durant ce débat, qui a lieu en audience publique, le ministère public développe ses réquisitions écrites et motivées, l'intéressé et éventuellement son avocat présentent leurs observations.
Bon à savoir : l'audience peut être différée à une date ultérieure si la personne mise en examen ou son avocat sollicite un délai pour préparer sa défense. Pendant ce laps de temps, l'intéressé est incarcéré.
Le juge des libertés et de la détention provisoire qui décide du placement en détention provisoire doit le faire par une ordonnance spécialement motivée d'après les éléments de l'espèce. Cette ordonnance doit en outre comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait justifiant que la détention est l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs définis à l'article 144 du Code de procédure pénale.
Bon à savoir : ces objectifs ne doivent pas pouvoir être atteints par un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence.
Le motif de la détention doit être énoncé dans l'ordonnance en précisant quelles sont les raisons de craindre la disparition des preuves, les pressions sur les témoins, le renouvellement de l’infraction et surtout la représentation de l'intéressé.
L'ordonnance est notifiée verbalement à l'intéressé et est susceptible d'appel.
Recours en matière de détention provisoire
Recours contre le refus de placement en détention
Le juge d'instruction peut décider de ne pas suivre les réquisitions du procureur de la République tendant à la saisine du juge de libertés en vue du placement d'une personne en détention. Dans ce cas, son ordonnance, qui doit être motivée, peut être frappée d'appel par le magistrat du parquet.
En matière de crime ou de délit puni de plus de 10 ans d'emprisonnement, le procureur peut saisir directement le juge des libertés.
Si le refus de placement en détention provisoire émane du juge des libertés, le parquet peut interjeter appel devant la chambre de l'instruction.
Recours contre l'ordonnance de placement en détention provisoire
L’intéressé, comme le ministère public, peuvent interjeter appel contre l'ordonnance de mise en détention devant la chambre de l'instruction qui vérifie les conditions de légalité de la décision et de régularité de la mise en détention.
Bon à savoir : en cours de détention, peut être exercé un recours immédiat auprès du président de la chambre de l'instruction en vue de la cessation de la détention. Cette procédure s'appelle le référé-liberté et répond à des conditions strictes.
Durée de la détention provisoire
La détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable eu égard à la gravité des faits reprochés et à la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. Dès que ces conditions ne sont plus réunies, le juge d'instruction et le juge des libertés doivent ordonner la mise en liberté immédiate.
En outre, la loi fixe des durées maximales à la détention et sanctionne par une mise en liberté d'office le non-respect de certains délais. Enfin, l'intéressé peut solliciter sa mise en liberté.
Durées maximales fixées par la loi
En matière correctionnelle, la durée normale de la détention provisoire est de quatre mois. Cette durée ne peut pas être prolongée sauf cas exceptionnels répondant à certaines conditions. Quoi qu'il soit, le renouvellement de la détention provisoire ne saurait se prolonger au-delà d'un an, voire exceptionnellement 2 ans.
Exemple : en cas d'infraction commise hors du territoire français, ou de trafic de stupéfiants, proxénétisme… avec une peine encourue égale à 10 ans d'emprisonnement.
En matière criminelle, la durée maximale de la détention provisoire est d'un an, renouvelable deux fois 6 mois (soit 2 ans au total). Le délai maximum de la détention provisoire passe à 3 ans si la peine encourue est au moins égale à 20 ans de réclusion. Ces délais de 2 et 3 ans sont portés à 3 et 4 ans lorsque l'un des faits a été commis hors du territoire national. La maximum de 4 ans s'applique également aux infractions de trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme…
Cessation anticipée de la détention provisoire
En l'absence de demande de la personne mise en examen, la détention peut prendre fin par une décision de mise en liberté prise d'office par le juge d'instruction, notamment lorsqu'elle excéderait une durée raisonnable.
La cessation peut également être automatique si la procédure d'instruction est anormalement longue.
Demande de mise en liberté
L'intéressé (ou son avocat) peut présenter une demande de mise en liberté au juge d'instruction qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République pour connaître ses réquisitions.
Le juge d’instruction peut donner une suite favorable à la demande. Dans le cas contraire, il doit transmettre la demande au juge des libertés qui va statuer par ordonnance susceptible d'appel.
Indemnisation suite à détention provisoire
Les personnes qui ont fait l'objet d'une détention provisoire et dont la procédure s'est terminée par un non-lieu du juge d'instruction, ou une relaxe ou un acquittement prononcé par la juridiction de jugement, peuvent demander réparation intégrale de leur préjudice. La loi du 15 juin 2000 précise qu'il s'agit de tout préjudice, moral et matériel, en relation causale avec la détention.
L'indemnité allouée est à la charge de l’État, qui a la possibilité néanmoins de se retourner contre le dénonciateur de mauvaise foi ou le faux témoin dont la faute a pu provoquer la détention ou sa prolongation.