On parle de justice transitionnelle pour désigner l'ensemble des mesures – judiciaires ou non – prises dans un pays pour assurer la transition entre un état de conflit ou de répression et un état de paix.
Dans des pays où les droits humains ont été massivement violés, la justice transitionnelle a pour objectif d'éviter que la structure même de la société ne soit trop affectée en établissant les responsabilités, en rendant la justice, pour permettre la réconciliation.
Justice transitionnelle : définition
Si la notion de justice transitionnelle suscite des différences d’appréciation au niveau doctrinal, on ne peut que constater son expansion aujourd'hui.
La justice transitionnelle trouve clairement sa place dans l'ordre mondial actuel qui repose – idéalement – sur la paix, la coopération internationale, la primauté du droit, et le respect des droits de l'Homme.
Histoire de la justice transitionnelle
La justice transitionnelle naît après la Deuxième Guerre mondiale avec la mise en place de tribunaux internationaux qui appliquent le droit international aux individus, en réponse aux crimes commis par l'Allemagne et le Japon.
Avec la création de l’Organisation des Nations unies (ONU), l'idée de justice transitionnelle se généralise :
- la Déclaration universelle des droits de l'Homme est adoptée ; puis
- la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide ; suivie
- des organisations de défense des droits de la personne, comme Amnesty International…
Dans les années 1980, la justice transitionnelle prend son essor dans le cadre du développement des systèmes de défense des droits de l'homme par les Nations unies, sur le fondement d'une idée de « justice » universelle ; puis dans un objectif de résolution des conflits et de démocratisation.
Exemple : plusieurs pays d'Afrique ou d'Amérique latine, puis d'Europe de l'Est se tournent vers la démocratie et entament des réformes institutionnelles, tels que la Colombie, le Timor, l'Afghanistan, le Pérou, l'Irak, le Maroc, etc.
Objectifs
Toute sortie de crise (répression ou conflit armé) nécessite une refondation de la société et de la nation, afin de pouvoir garantir une paix durable.
Pendant la période de transition entre un régime autoritaire et oppressif et un régime démocratique, la justice ordinaire et les institutions du pays ne peuvent faire face. La justice transitionnelle permet d'accompagner la reconstruction des structures de l'État de droit.
L'objectif premier de la justice transitionnelle est donc de rétablir l'État de droit, par différents biais :
- la reconnaissance des crimes ;
- la punition des crimes ;
- la réparation des victimes ;
- la réconciliation ;
- la préservation de la paix ;
- la réforme des institutions et du secteur de la sécurité ;
- la promotion du débat public.
Dans ce vaste programme, l'ONU occupe un rôle essentiel dans la défense des droits reconnus aux victimes : droit à la vérité, droit à la justice, droit à la réparation, et droit à la non-répétition.
Défis à relever
La justice transitionnelle et les gouvernements de transition se heurtent à de nombreux obstacles, qu'ils soient politiques éthiques ou légaux.
Des compromis sont à faire entre les idées de justice et de vérité, entre les idées de paix et de justice.
À noter : ces idéaux ne peuvent pas être atteints chacun dans leur absolu, et il faut réussir à les concilier.
D'un point de vue pratique, il faut instaurer un tribunal à même de sanctionner. Il s'agit alors de trouver un équilibre entre justice locale et internationale.
Article
Compétences de la justice transitionnelle
Chaque mission de transition est unique. Cependant, la justice transitionnelle s'inscrit dans un cadre assez bien défini, en 5 axes.
Poursuites pénales
La justice transitionnelle comporte un aspect de justice punitive : il faut arrêter le cycle de l'impunité et poursuivre les auteurs de crimes (génocides, crimes de guerre, crimes contre l'humanité) en justice.
À noter : ces poursuites, difficiles au plan national, sont souvent engagées au niveau international, au moyen de tribunaux provisoires créés spécialement pour cette occasion.
Exemples : procès de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale, Tribunal pénal international pour le Rwanda, Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Une juridiction pénale permanente (laCour Pénale Internationale) a également été créée.
Recherche de la vérité
La justice transitionnelle comporte un « droit de savoir ».
Pour mettre en lumière les exactions perpétrées, sont instaurées des commissions de vérité, des cercles de guérison, une déclassification des archives, etc.
Ces commissions enquêtent, rédigent des rapports documentés et recommandent des changements.
L'objectif est d'éviter le déni, de restaurer la dignité des victimes, de faciliter l'apaisement et d'éviter que la situation ne se reproduise.
Exemples : commissions de vérité au Maroc, en Algérie, en Irak, au Timor...
Par ailleurs, des mémoriaux permettent d'entretenir la mémoire des personnes et des événements au moyen de cérémonies, monuments, musées.
Programmes de réparation
La justice transitionnelle est également justice réparatrice : l'État reconnaît les préjudices causés et tente d'y remédier.
Bon à savoir : dans ce cadre et pour réparer le tort causé, les victimes peuvent obtenir des excuses publiques ou des restitutions (en numéraire, en avantages sociaux, par exemple).
Réconciliation
Pour pouvoir envisager un pardon, la justice transitionnelle prévoit des discussions, négociations, et tente d'éviter les amnisties et les systèmes d'impunité.
À noter : la réconciliation passe aussi par l'élaboration d’une nouvelle constitution, la mise en place d'élections, la libération des prisonniers politiques…
Réforme des institutions
La transition vers un système démocratique emporte aussi une réforme des institutions judiciaires, politiques et des forces armées.
Elle passe par un assainissement de la fonction publique (on parle d'épuration ou de lustration), et souvent par un désarmement et une démobilisation.
Article