Agir en diffamation

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Audiance au tribunal 123RF / Wavebreak Media Ltd

Vous avez subi une accusation qui porte atteinte à votre honneur ou à votre considération. Vous êtes peut-être victime d'une diffamation. 

La diffamation est une infraction au droit de la presse. Il peut s'agir, selon les cas, d'une contravention ou d'un délit. Quoi qu'il en soit, l'auteur de la diffamation peut être poursuivi devant le juge pénal. En tant que victime, vous pouvez demander l'indemnisation de votre préjudice. 

La poursuite de la diffamation obéit à une procédure particulière. Découvrez dans cette fiche pratique comment agir en diffamation.

Zoom sur la diffamation

La diffamation est une infraction pénale appartenant au domaine du droit de la presse. Elle consiste en l’allégation ou l’imputation d’un fait non avéré qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne et suppose l’imputation d’un fait précis et vérifiable.

Bon à savoir : si le fait n’est pas vérifiable, il s’agit d’une injure qui est une autre infraction pénale.

Exemple de diffamation : le fait d’accuser une personne d’avoir menti sur l’obtention d’un diplôme. Il s’agit en effet d’un fait précis qu’il est possible de vérifier.

La diffamation peut être publique ou non publique

La diffamation est publique dès lors que les propos sont accessibles à d’autres personnes que la victime et l’auteur, et que ces personnes n’ont entre elles aucun lien. Elle est punie de 12 000 € d’amende (exemple : des propos criés dans la rue, diffusés dans un journal ou sur un site internet).

La diffamation est non publique lorsqu’elle est prononcée par l’auteur à la seule intention de sa victime, sans qu’une autre personne n’en ait eu connaissance. Elle est une contravention punie d’une peine de 38 € d’amende (exemple : envoi d’une lettre ou d’un SMS).

À noter : si un salarié dénonce des faits de harcèlement sans réserver cette dénonciation à l’employeur ou aux organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail, il ne bénéficie pas de l’immunité pénale réservée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement et s’expose à des poursuites pénales sur le fondement de la diffamation publique (Cass. crim., 26 novembre 2019, n° 19-80.360).

La diffamation peut être simple ou discriminatoire

Elle est discriminatoire lorsqu'elle a un caractère raciste, sexiste, homophobe ou qu’elle est adressée à une personne en raison de son handicap. Elle est punie de 1 an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu'elle est publique. Lorsqu'elle n'est pas publique, la contravention peut atteindre 1 500 € ou 3 000 € maximum en cas de récidive (article R. 625-8 et suivants du Code pénal). Le décret 2017-1230 du 3 août 2017 a instauré de nouvelles peines complémentaires qui peuvent être prononcées à l'encontre de l'auteur de cette dernière infraction non publique :

  • l'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de 3 ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
  • la confiscation d'une ou de plusieurs armes dont l'auteur de l'infraction est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
  • la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
  • des travaux d'intérêt général pour une durée de 20 à 120 heures ;
  • un stage de citoyenneté.

Elle est simple lorsqu'elle n'a pas de teneur raciste, sexiste, homophobe ou discriminatoire à raison d'un handicap.

1. Vérifiez que vous pouvez agir en diffamation

En matière d'infractions de presse, les délais de prescription, c'est-à-dire le délai pendant lequel des poursuites peuvent être engagées, sont très courts.

Vérifiez donc que vous pouvez encore agir :

  • Vous êtes victime d’une diffamation non publique : vous disposez d’un délai de 3 mois pour déposer votre plainte.
  • Vous êtes victime d’une diffamation publique : le délai de prescription est de 3 mois en cas de diffamation publique simple et de 1 an en cas de diffamation à caractère discriminatoire.

2. Demandez à la justice de déclencher des poursuites pour agir en diffamation

Dans tous les cas de diffamation, vous avez la possibilité de déposer une plainte simple auprès des services de police ou de gendarmerie ou directement auprès du procureur de la République.

Sans cette plainte, le procureur de la République ne peut pas déclencher les poursuites, sauf en cas de diffamation discriminatoire où il peut agir seul.

De même, si vous retirez votre plainte au cours de la procédure, les poursuites seront abandonnées, sauf en cas de diffamation discriminatoire.

Suite à votre plainte, le procureur de la République pourra :

  • classer l’affaire sans suite : les poursuites ne seront pas engagées ;
  • mettre en œuvre une mesure alternative aux poursuites : il s'agit de mesures destinées à arrêter le trouble causé ou à réparer le préjudice de la victime. L'auteur des faits s'engage à respecter la mesure décidée par le procureur (par exemple : retrait des propos d'un site internet, indemnisation de la victime). S'il ne la respecte pas, le procureur engagera des poursuites ;
  • engager des poursuites : ouverture d’une information judiciaire ou citation directe devant le tribunal, c'est-à-dire l'ouverture d'une enquête menée par un juge d'instruction ou la convocation de l'auteur à une audience devant le tribunal.

3. Déclenchez vous-même les poursuites pour agir en diffamation

Le dépôt d'une plainte simple n'interrompt pas le délai de prescription de la diffamation qui continue donc à courir pendant son examen par le procureur.

Pour gagner du temps, la victime d’une diffamation peut donc également déclencher elle-même les poursuites. Elle peut le faire : 

  • par citation directe : c'est-à-dire en poursuivant directement l'auteur devant le tribunal ; 
  • en déposant une plainte avec constitution de partie civile : c'est-à-dire en s'adressant à un juge d'instruction.

Important : la plainte avec constitution de partie civile ainsi que la citation directe doivent indiquer précisément les propos visés, préciser de quelle infraction ils relèvent et viser le texte de loi applicable. Si vous vous trompez d’infraction ou de texte, vous perdrez votre procès car le juge ne peut pas corriger vos erreurs. Pour cette raison, l’assistance d’un avocat est fortement conseillée bien qu’elle ne soit pas obligatoire.

Délivrez une citation directe

Vous pouvez directement poursuivre l’auteur de la diffamation en lui faisant parvenir une citation directe. Elle suppose que vous connaissiez l’adresse de l’auteur de la diffamation. Vous devrez alors apporter vous-même la preuve de la diffamation.

La citation doit être adressée :

  • en cas de diffamation non publique : à l’auteur de la diffamation ;
  • en cas de diffamation publique : au directeur de la publication ou à défaut à l’auteur des propos ;
  • en cas de diffamation sur Internet : au directeur de publication pour les sites internet professionnels et à l’auteur des propos pour les blogs amateurs.

Bon à savoir : le directeur de la publication d’un site internet édité par une personne morale est, de droit, son représentant légal ou, dans le cas d’une association, son représentant statutaire (Cass. crim., 22 janvier 2019, pourvoi n° 18-81.779).

Important : la citation directe doit être délivrée au moins 20 jours avant la date d’audience par un huissier de justice. Une copie doit obligatoirement être adressée au procureur de la République.

La citation doit contenir :

  • votre identité complète (nom, prénom et date de naissance) ainsi que votre adresse ;
  • l’identité de la personne poursuivie (directeur de publication ou, à défaut, auteur des propos) ;
  • les propos exacts qui ont été tenus ;
  • l’infraction constituée ;
  • le texte de loi invoqué ;
  • tous les éléments de preuve de la diffamation : impression d’un article, SMS, enregistrement audio, captures d’écran, etc. ;
  • le droit de la personne visée à l’assistance d’un avocat.

Bon à savoir : si votre citation aboutit, une audience aura lieu. Le tribunal devra statuer dans un délai d’1 mois.

Déposez une plainte avec constitution de partie civile

Vous pouvez également demander au juge d’instruction l’ouverture d’une information judiciaire. Pour cela, déposez une plainte avec constitution de partie civile.

À noter : en cas de diffamation non publique, déposez d’abord une plainte simple. Vous ne pouvez déposer une plainte avec constitution de partie civile que si votre plainte est classée sans suite ou demeure sans réponse pendant plus de 3 mois.

Vous pouvez indiquer le nom de la personne que vous souhaitez poursuivre ou déposer votre plainte contre X.

Si vous connaissez l’auteur des propos, votre plainte doit désigner :

  • en cas de diffamation non publique : l’auteur de la diffamation ;
  • en cas de diffamation publique : le directeur de la publication ou à défaut l’auteur des propos ;
  • en cas de diffamation sur Internet : le directeur de publication pour les sites internet professionnels ou l’auteur des propos pour les blogs amateurs.

Rédigez une lettre simple contenant :

  • votre identité complète ;
  • votre adresse ;
  • les propos exacts qui ont été tenus ;
  • l’infraction constituée ;
  • le texte de loi invoqué ;
  • tous les éléments de preuve de la diffamation : impression d’un article, SMS, enregistrement audio, captures d’écran, etc. ;
  • la précision indiquant que vous demandez à être indemnisé de votre préjudice.

Adressez votre plainte au doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire du lieu de résidence du directeur de la publication ou de l’auteur des propos, si vous le connaissez, ou du lieu où le dommage a été subi.

4. Saisissez le juge des référés en cas d'urgence

Vous pouvez saisir le juge des référés pour qu’il ordonne des mesures urgentes.

Exemple : retrait de certains propos sur un site internet.

Adressez au directeur de la rédaction ou, à défaut, à l’auteur des propos une assignation (c’est un acte d’huissier).

Important : l'assignation doit être délivrée dans un délai de 3 mois à partir de la publication ou de la prononciation des propos diffamatoires et doit contenir des informations précises (propos tenus, infractions concernées, texte invoqué) exigées à peine de nullité. L’assistance d’un avocat est donc ici encore fortement conseillée.

Vous pouvez saisir le tribunal judiciaire  : 

  • du lieu où demeure le défendeur ;
  • ou du lieu du fait dommageable ;
  • ou du lieu où le dommage a été subi.

La procédure de référé ne peut pas aboutir à la condamnation de l'auteur de la diffamation. De même, elle ne vous permet pas de demander la réparation de votre préjudice. Pour cela vous devez engager une procédure au fond, comme expliqué dans les étapes 1 à 3.

Ces pros peuvent vous aider