Afin de rétablir un meilleur équilibre de la procédure pénale entre les droits de la société et ceux de la défense, la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 a institué la procédure de référé-détention. Elle permet au procureur de la République d'obtenir du premier président de la cour d'appel que l'appel qu'il a interjeté contre une décision de mise en liberté empêche la mise en liberté de la personne mise en examen.
Concrètement, cette procédure n'a vocation à s'appliquer que de façon exceptionnelle, puisqu'elle concerne les décisions de mise en liberté qui paraissent manifestement injustifiées au regard de la préservation de la sécurité des personnes et des biens.
Le domaine d'application du référé-détention
Le référé-détention peut être mis en œuvre lorsqu'une ordonnance de mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire est rendue par le juge des libertés et de la détention (JLD) ou le juge d'instruction, contrairement aux réquisitions du procureur de la République.
En pratique, cela signifie que la procédure de référé-détention implique une décision de mise en liberté non conforme aux réquisitions du parquet.
La décision de mise en liberté
Toutes les décisions qui interviennent au cours de la procédure judiciaire, et ayant pour effet la mise en liberté du prévenu, ne permettent pas nécessairement le recours à la procédure de référé-détention.
Les décisions qui permettent le recours au référé-détention
Les dispositions relatives au référé-détention ne sont applicables qu'en cas de mise en liberté ordonnée par le juge d'instruction, le juge des enfants ou le juge des libertés et de la détention. En pratique, le référé-détention ne peut s'appliquer qu'à une personne :
- qui a déjà fait l'objet d'une décision motivée de placement en détention provisoire ;
- qui a pu faire l'objet de décisions de prolongation de détention à une ou plusieurs reprises.
Concrètement, les dispositions du Code de procédure pénale en matière de référé-détention sont mises en application dans l'un des trois cas suivants :
- quand la mise en liberté a été ordonnée d'office par le juge d'instruction ou le juge des enfants ;
- quand la mise en liberté a été directement ordonnée par ces juges mais à la suite d'une demande de mise en liberté qui leur a été adressée ;
- quand la mise en liberté a été ordonnée par le juge des libertés et de la détention à la suite d'une demande émanant du juge d'instruction ou du juge des enfants.
Les décisions qui ne permettent pas le recours au référé-détention
Les dispositions pénales sur le référé-détention ne sont pas applicables :
- en cas de refus de placement en détention provisoire ;
- en cas de refus de prolongation ou de refus de maintien d'une détention provisoire à l'issue d'une instruction correctionnelle ;
- en cas de mise en liberté ordonnée.
La décision contraire aux réquisitions du parquet
La procédure de référé-détention ne peut être mise en œuvre que si le parquet a pris des réquisitions, écrites et motivées, s'opposant à la mise en liberté. Cela signifie qu'à défaut de réquisitions écrites s'opposant à la mise en liberté de la personne, aucun référé-détention ne pourra être formé. Ensuite, lorsque le juge d'instruction indique qu'il requiert la mise en liberté du prévenu, le magistrat du ministère public peut, soit prendre des réquisitions ne s'opposant pas à cette décision, soit au contraire motiver de façon plus approfondie des réquisitions s'opposant à libération de la personne, afin de convaincre le juge de revenir sur son intention initiale.
La mise en œuvre du référé-détention
La notification de l'ordonnance de mise en liberté du prévenu
Le Code de procédure pénale prévoit que l'ordonnance de mise en liberté rendue contrairement aux réquisitions du parquet – et donc susceptible de faire l'objet d'un référé-détention – doit être immédiatement notifiée au procureur de la République. Celui-ci dispose alors d'un délai de 4 heures pour prendre sa décision, durée pendant laquelle il est interdit de mettre à exécution l'ordonnance. De même, pendant ce délai de 4 heures, la personne mise en examen ne peut pas être remise en liberté.
La décision du procureur de la République
De la même façon, le procureur de la République, à qui est transmis une ordonnance de mise en liberté non conforme à ses réquisitions, doit se décider dans un délai de 4 heures.
Il dispose alors de 3 possibilités :- ne pas faire appel de l'ordonnance ;
- faire appel de cette ordonnance mais sans pour autant former de référé-détention ;
- faire appel tout en formant un référé-détention.
Le Code de procédure pénale dispose que, faute pour le procureur de la République d'avoir formé un référé-détention dans le délai de 4 heures à compter de la notification de l'ordonnance de mise en liberté, celle-ci est adressée au chef d'établissement pénitentiaire, et le prévenu est mis en liberté.
Les suites de la décision du procureur de la République
1re hypothèse : la notification et la mise à exécution de l'ordonnance en l'absence de référé-détention
En l'absence de référé-détention, quand le procureur de la République a indiqué qu'il y renonçait ou que le délai de 4 heures a expiré, l'ordonnance de mise en liberté est notifiée et exécutée.
Le greffier du magistrat qui a rendu la décision adresse alors au chef de l'établissement pénitentiaire la notification accompagnée d'un ordre de mise en liberté du prévenu.
2de hypothèse : la notification de l'ordonnance en cas de référé-détention et la transmission du dossier à la cour d'appel
En cas de référé-détention, la personne mise en examen et son avocat sont avisés en même temps que leur est notifiée l'ordonnance.
La personne doit rester détenue tant que n'est pas intervenue la décision du premier président de la cour d'appel et, le cas échéant, celle de la chambre de l'instruction. La personne mise en examen et son avocat ont le droit de formuler des observations écrites devant le premier président de la cour d'appel.
Bon à savoir : en pratique, la transmission de la copie du dossier de la procédure au premier président doit se faire dans les délais les plus brefs puisque ce dernier doit statuer au plus tard le 2e jour ouvrable suivant.
La procédure devant la cour d'appel
L'examen du référé-détention
Le référé-détention est examiné par le premier résident de la cour d'appel, au plus tard le 2e jour ouvrable suivant la demande. Pendant cette durée, les effets de l'ordonnance de mise en liberté sont suspendus, et la personne reste détenue.
À défaut pour le premier président de la cour d'appel de rendre sa décision dans ce délai, la personne est remise en liberté. Le procureur de la République, à l'origine du référé-détention, et le procureur général doivent veiller au strict respect du délai imposé par la loi et peuvent ordonner la mise en liberté de la personne si ce délai est dépassé, cela afin d'éviter une détention arbitraire.
La décision rendue par le premier président
Le premier président ne peut prendre que 2 décisions, selon qu'il suspend les effets de l'ordonnance ou qu'il ordonne la mise en liberté de la personne :
- S'il estime que le maintien en détention de la personne est manifestement nécessaire, il ordonne la suspension des effets de l'ordonnance de mise en liberté jusqu'à ce que la chambre de l'instruction statue sur l'appel du ministère public. La personne mise en examen ne peut alors être mise en liberté jusqu'à l'audience de la chambre de l'instruction. Dans le cas présent, la décision de suspension doit répondre à la nécessité d'une gravité sérieuse qui, le plus souvent, en pratique, correspond à la fois à un risque de fuite ou de réitération de l'infraction particulièrement élevé concernant des faits ayant causé un trouble particulièrement grave à l'ordre public.
- Si ce magistrat estime au contraire que le maintien en détention n'est pas justifié, il ordonne de façon motivée que la personne soit mise en liberté.
La procédure devant la chambre de l'instruction
Quelle que soit la décision rendue sur le référé-détention par le premier président de la cour d'appel, ce recours doit être examiné par la chambre de l'instruction.
L'examen de l'appel
Le Code de procédure pénale impose que la chambre de l'instruction se prononce au plus tard dans les 10 jours de l'appel, faute de quoi la personne est mise d'office en liberté.
Le déroulement des débats
La comparution personnelle de la personne mise en examen devant la chambre de l'instruction est de droit, afin de garantir les droits de la personne. Cela signifie que, sous peine d'irrégularité de la procédure, le parquet général doit systématiquement prévoir l'extraction de la personne.
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