
L'abus de biens sociaux est une infraction pénale applicable aux sociétés commerciales. Créé en 1935, l'abus de biens sociaux est aujourd'hui prévu dans le Code de commerce.
Abus de biens sociaux : définition
L'abus de biens sociaux est caractérisé par le fait, pour le dirigeant d'une société commerciale, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement.
À travers l'infraction d'abus de bien sociaux, il s'agit de sanctionner les actes, faits juridiques ou conventions des dirigeants portant atteinte au patrimoine social et faits dans leur intérêt personnel.
Dirigeants et types de sociétés visés par l'infraction d'abus de biens sociaux
L'abus de biens sociaux est une délit imputable aux dirigeants de sociétés commerciales.
Exemples : gérants de SARL, présidents de SA, administrateurs de SA, directeurs généraux de SA, membres du directoire et du conseil de surveillance de SA, présidents de SAS, etc.
Plus généralement, le délit vise toute personne qui, directement ou indirectement, exerce en fait la gestion, la direction ou l'administration d'une société commerciale.
Bon à savoir : sont visés aussi bien les dirigeants de droit (c'est-à-dire désignés dans les statuts), que les dirigeants de fait (ceux qui dirigent une société sans avoir été régulièrement investis par les organes sociaux du pouvoir de représenter la société).
Quant à la forme de la société, il peut s'agir d'une SARL (société à responsabilité limitée), SA (société anonyme), SCA (société en commandite par actions) ou SAS (société par actions simplifiées). Le siège de la société doit être situé sur le territoire français.
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Abus de bien sociaux : éléments constitutifs
Comme toute infraction pénale, l'abus de biens sociaux comprend un élément matériel et un élément moral.
Élément matériel de l'abus de biens sociaux
Le délit d'abus de biens sociaux est constitué par l'usage contraire à l'intérêt social qui est fait des biens ou du crédit de la société.
Exemples : cet usage peut consister en des prêts, des avances, des baux, des acquisitions, des cessions...
Sont concernés les biens mobiliers ou immobiliers et les biens incorporels. Quant au crédit, il s'agit de la renommée commerciale, de la capacité financière de la société.
Bon à savoir : l'usage est considéré contraire à l'intérêt social lorsqu'il est abusif, c'est-à-dire lorsqu'il porte atteinte au patrimoine de la société.
Exemples : dépenses disproportionnées injustifiées, manque à gagner généré par la signature d'un contrat désavantageux pour la société...
Enfin, le dirigeant doit avoir agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement.
Exemple : le dirigeant d'une société de construction, également propriétaire d'une usine de fabrique de matériaux, qui fournit ceux-ci au prix fort à sa société.
Élément moral de l'abus de biens sociaux
L'abus de biens sociaux est un délit intentionnel : son auteur doit être animé d'une intention frauduleuse pour que le délit soit constitué. Les textes visent d'ailleurs la « mauvaise foi » des dirigeants qui doivent avoir conscience du caractère préjudiciable de leurs actes. Il ne peut s'agir d'une simple négligence.
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Règles de prescription de l'abus de biens sociaux
En tant que délit (infraction de gravité moyenne, situé entre le crime et la contravention), l'abus de biens sociaux se prescrit par six ans à compter de la date des faits. Au-delà de ce délai, son auteur ne peut plus être poursuivi.
Le point de départ du délai de prescription est reporté dans deux cas :
- lorsque l'infraction est occulte : lorsque, en raison de ses éléments constitutifs, elle ne peut être connue ni de la victime ni de l'autorité judiciaire ;
- ou lorsque l'infraction est dissimulée : lorsque l'auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte.
L'article 9-1 du Code pénal prévoit que le point de départ du délai est reporté « au jour où l’infraction est apparue et a été constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique ». La loi prévoit cependant un délai butoir de 12 ans en matière délictuelle et de 30 ans en matière criminelle, à compter du jour où l’infraction a été commise, au-delà duquel l'action ne peut plus être menée.
En l'absence d'une telle dissimulation, la jurisprudence considère que le délai de prescription commence à courir au moment de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société.
Abus de biens sociaux : répression
Le délit d'abus de biens sociaux est puni de cinq d'emprisonnement et 375 000 € d'amende.
Bon à savoir : le dirigeant reconnu coupable d'abus de biens sociaux encourt également l'interdiction d'exercer des fonctions de direction, d'administration ou de contrôle d'une personne morale (association, société...).
À noter : lorsque la responsabilité pénale d’un dirigeant est reconnue (notamment en cas d’abus de biens sociaux), et que cette faute pénale est intentionnelle, elle constitue un acte personnel dont il doit seul assumer les conséquences. Par conséquent, le dirigeant doit réparer seul cette faute pénale (Cass. com., 18 septembre 2019, n° 16-26.962).