
Dominique Perben, lorsqu'il était Garde des Sceaux, a été initiateur de deux grandes lois réformant la justice, en 2002 et en 2004 :
- la loi Perben I n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, loi d’orientation et de programmation de la justice pour les années 2003 à 2007 ;
- la loi Perben II du 9 mars 2004 sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Conçues pour répondre au sentiment d'insécurité des Français, ces lois visent à améliorer la réponse pénale au niveau de l'enquête, de l'instruction, des poursuites, du jugement et du suivi judiciaire. Le point dans cet article.
Loi Perben I : un durcissement de la justice pour les mineurs
Perben I veut raccourcir les délais et accélérer les procédures. Entre autres dispositions, elle :
- crée les juridictions de proximité ;
- marque un durcissement de la loi pénale à l'encontre des mineurs.
Justice de proximité
Pour remédier à l'encombrement des tribunaux, la loi Perben I a créé les juges de proximité. Il s'agit de juges non professionnels compétents pur juger des litiges de faible importance :
- En matière pénale, ils ont à connaître les contraventions de première, deuxième, troisième et quatrième classe.
- En matière civile, ils doivent être compétents pour les litiges dont le taux de ressort ne dépasse pas 4 000 €.
À noter : au 1er juillet 2017, le juge de proximité et les juridictions de proximité ont été supprimés (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle).
Lutte contre la délinquance des mineurs
La loi Perben I modifie l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Parmi les mesures phare de la loi, on note :
- l'abaissement de l'âge de la majorité pénale de 13 à 10 ans, dès que le mineur est doté de discernement ;
- des sanctions éducatives pour les mineurs de 10 à 13 ans ;
- la création de centres éducatifs fermés pour les mineurs de plus de 13 ans faisant l'objet d'un contrôle judiciaire (avant jugement) ou d'un sursis avec mise à l'épreuve (après jugement) ;
- l'aggravation des peines pour outrage contre les enseignants ;
- l'assouplissement des conditions de la retenue judiciaire des mineurs de 10 à 13 ans ;
- le placement sous contrôle judiciaire et en détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans ;
- un jugement à délai rapproché pour les multirécidivistes.
Bon à savoir : la justice pénale des mineurs a fait l'objet d'une refonte par l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 qui a créé le Code de la justice pénale des mineurs entré en vigueur le 1er octobre 2021.
Refonte en profondeur de la justice pénale avec la loi Perben II
La loi Perben II a un contenu très hétéroclite. Elle touche notamment à la propriété intellectuelle, aux infractions douanières, au code de la route, etc. Nous nous attacherons ici à seulement certaines de ces mesures.
Exemptions et réductions de peines
Les exemptions et réductions de peines apparaissent désormais à côté des circonstances d'aggravation de peines à l'article 132-78 du Code Pénal :
- L'exemption concerne la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et, le cas échéant, d'identifier les autres auteurs ou complices.
- La réduction concerne la personne qui, ayant commis un crime ou un délit, a permis de faire cesser l’infraction, d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ou d’identifier les autres auteurs ou complices.
L’exemption et la réduction de peines ne s'appliquent que dans les cas prévus par la loi. Les personnes concernées font l'objet d'une protection particulière (utilisation d'une identité d'emprunt, par exemple).
Lutte contre la criminalité organisée
La loi Perben II créée un droit pénal d'exception, applicable à certains crimes graves commis en bandes organisées (définies à l'article 132-71 du Code Pénal).
Des juridictions inter-régionales spécialisées sont mises en place, et la procédure d'enquête est facilitée :
- perquisitions pendant la nuit ;
- garde à vues de plus de 48 heures ;
- écoutes facilitées ;
- opérations d'infiltration du milieu par la police ;
- réduction de peines pour les repentis ;
- rétribution des indicateurs.
Le « plaider-coupable » à la française
La loi Perben II, s'inspirant du modèle anglo-saxon, crée la « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » :
- Très décrié en raison de l'atteinte qu’il porte à la présomption d’innocence, ce « plaider-coupable » a pour objectif principal de désengorger les tribunaux.
- Il s'applique aux infractions les moins graves, punies d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement de moins de 5 ans comme les délits routiers, l'usage de stupéfiants, les violences urbaines, etc. Sont exclus : les délits de presse, les délits politiques, les homicides involontaires, et toute infraction de la classe des contraventions ou des crimes.
Bon à savoir : la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 a étendu la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la fraude fiscale (article 495-16 du Code de procédure pénale).
Les personnes en infraction et qui plaident coupable se voient proposer :
- une peine d'emprisonnement inférieure à un an ou inférieure à la moitié de la peine encourue ;
- ou une amende inférieure à l'amende encourue.
Cette proposition peut être refusée ou acceptée.
Autres mesures
Certaines dispositions de la loi Perben II reflètent une volonté de créer une procédure pénale plus efficace :
- Le juge des enfants exerce désormais l’ensemble des attributions dévolues au juge de l’application des peines, afin de renforcer la continuité du suivi des mineurs délinquants.
- Le régime de l’exécution des peines est réformé. Le rôle de l’administration pénitentiaire et des juridictions est accru. La loi prévoit également un meilleur suivi des détenus en fin de peine, ou même après leur sortie (allongement du délai du suivi socio-judiciaire, par exemple).
En vrac, on peut noter d'autres nouvelles mesures :
- la généralisation du mandat d'arrêt européen (dont la mise en œuvre est plus simple que la procédure d'extradition) ;
- une nouvelle peine en matière correctionnelle, le stage de citoyenneté (depuis le 24 mars 2020, il est fait référence à une peine unique de stage, et non plus au seul stage de citoyenneté, les peines de stages sont énumérées à l'article 131-5-1 nouveau du Code pénal) ;
- de nouvelles mesures comme l’interdiction, pour une durée de 3 ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux dans lesquels l’infraction a été commise, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction et d’entrer en relation avec certaines personnes désignées par la juridiction ;
- la création d'infractions nouvelles, comme la provocation ou l'incitation à la violence non suivie d'effet ou la diffusion de notices de fabrication d'engins de destruction ;
- l'aggravation de la répression en cas d'atteintes à l'environnement (pollution marine notamment) ;
- l'allongement du délai de prescription pour les infractions de presse (1 an contre 3 mois auparavant) et pour les crimes sexuels contre des mineurs ;
- la consécration de la responsabilité pénale des personnes morales (sauf pour les délits de presse).
Pour approfondir la question :
- Consultez notre page consacrée à la justice pénale.
- Téléchargez gratuitement notre fiche pratique assister à une audience devant le juge de proximité.
- Découvrez 8 textes de loi pour se coucher moins bête.