Fait du prince

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Dans le langage courant, le « fait du prince » désigne un acte arbitraire de l'administration, auquel les particuliers doivent se soumettre.

En droit des contrats publics, on parle de « fait du prince » pour désigner une mesure prise par l'administration, ayant un impact sur l'exécution d'un contrat auquel elle est partie.

Cette théorie jurisprudentielle a des contours assez flous, même si certaines lignes directrices peuvent en être dégagées. Le point dans cet article.

Fait du prince : qu'est-ce que c'est ?

Lorsqu'elle est partie à un contrat, l'administration a certains pouvoirs liés aux exigences du service public, notamment :

  • un pouvoir de direction et de contrôle de son cocontractant ;
  • un pouvoir de modification unilatérale du contrat (si le service public l'exige et en maintenant les équilibres financiers initiaux) ;
  • un pouvoir de sanction ;
  • un pouvoir de résiliation unilatérale.

En dehors de ces hypothèses d'intervention dans le cadre contractuel, il peut arriver que l'administration contractante prenne des mesures qui augmentent les obligations contractuelles du cocontractant.

Ces mesures rendent plus difficile ou plus onéreuse l'exécution de ses devoirs par le cocontractant. C'est cela qu'on appelle le fait du prince.

La théorie du fait du prince doit être distinguée de la théorie de l'imprévision :

  • L'imprévision consiste en un événement, souvent économique, indépendant de la volonté des parties.
  • Elle peut entraîner une indemnisation partielle du cocontractant.

À noter : le développement des clauses de sauvegarde (aussi appelées clauses de hardship) permet à l'une des parties, dans certains cas, de ne pas respecter ses engagements contractuels. Cette clause peut rendre inutile le recours au fait du prince.

Quelles mesures constituent un fait du prince ?

Le fait du prince est un événement extérieur au contrat :

  • C'est une mesure prise par l'administration non sur la base du contrat (ce qui relèverait des prérogatives normales de administration), mais à un autre titre, extra-contractuel.
  • Cette mesure introduit, dans le contrat, un aléa administratif (c'est à dire lié à l'intervention de administration).

Exemple : le maire intervient dans le cadre de ses pouvoirs de police.

Une mesure prise par une personne publique non partie au contrat ne constitue pas un fait du prince.

Exemple : une loi augmente le prix de électricité (mesure gouvernementale). Elle a un impact sur un contrat passé par une commune, mais ne constitue pas un fait du prince. Dans ce cas, c'est la théorie de l'imprévision qui trouve à s'appliquer.

Pour être un fait du prince, la mesure doit être prise par la personne publique contractante. Celle-ci n'agit pas en tant que partie au contrat mais en tant que puissance publique, en application de ses compétences générales.

Exemple : une commune confie par contrat la gestion des transports urbains. L'instauration d'un nouveau sens de circulation dans la commune, en application des pouvoirs de police du maire, est un fait du prince.

Un fait du prince peut prendre la forme :

  • d'une loi, d'un règlement ou d'un décret ;
  • de mesures particulières ayant un effet, direct ou indirect, sur l'exécution du contrat.

À noter : si la mesure ne touche pas spécifiquement le cocontractant, mais a un caractère général, la jurisprudence refuse parfois l’indemnisation totale du cocontractant (et applique éventuellement la théorie de l'imprévision).

Quelles sont les limites du fait du prince ?

Si l'équilibre du contrat est bouleversé au point de mettre en danger l'existence même de celui-ci, une réparation sera versée par l'administration :

  • Cette indemnisation ne trouve pas sa source dans une faute à réparer, mais dans l'intérêt général trouvé à la poursuite du contrat.
  • Le cocontractant a en effet droit à la restauration de l'équilibre financier, passant par la réparation intégrale du préjudice causé par cette mesure.

Bon à savoir : ici aussi, la théorie du fait du prince se distingue de la théorie de l'imprévision, qui ne prévoit qu'une indemnisation partielle des pertes subies.

Pour approfondir le sujet :

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