
L'expropriation, c'est la possibilité pour une personne publique (c'est-à-dire l'État ou une collectivité territoriale) de priver de sa propriété un propriétaire foncier. Il s'agit d'une vraie dérogation au droit de propriété qui affirme que nul ne peut être contraint à céder son bien.
La personne publique peut ainsi dépouiller, en totalité ou en partie, une personne privée (un particulier) ou une personne morale (une société) de son immeuble, de son terrain, ou encore d'un usufruit ou d'une servitude (on parle de droit réel immobilier).
Condition principale d'expropriation : l'utilité publique
Compte tenu de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété, la personne publique ne peut mettre en œuvre une procédure d'expropriation que pour un projet d'utilité publique. La jurisprudence actuelle a tendance à interpréter la notion d'utilité publique de façon large car elle juge régulièrement qu'un intérêt général est suffisant.
L'utilité publique est ainsi reconnue pour les créations de lotissements communaux, d'espaces verts au sein des villes, de centres de loisirs.
L'utilité publique est alors reconnue lorsque trois conditions sont remplies
Il faut que :
- le projet de la collectivité soit justifié ;
- le projet ne puisse pas être évité ;
- la privation de la propriété de la personne privée ou morale ne soit pas disproportionnée par rapport au projet.
Expropriation : deux enquêtes préalables
Avant de démontrer l'utilité publique d'une procédure d'expropriation, deux enquêtes administratives préparatoires sont menées. Elles visent notamment à informer le(s) propriétaire(s) et le public.
Enquête d'utilité publique préalable à la procédure d'expropriation
Avant que le projet ne soit déclaré d'utilité publique, une enquête publique doit être diligentée, à l'initiative du préfet, dans le but d'informer le public. Il désigne à cet effet un commissaire-enquêteur et précise l'objet de l'enquête qui va être menée. Un arrêté préfectoral est alors rendu à ce stade, non susceptible de recours.
Pendant toute la durée de l'enquête, les habitants de la commune concernée par la procédure d'expropriation peuvent consulter le dossier, et ont la possibilité de le contester.
Une fois l'enquête publique menée à bien, la déclaration d'utilité publique est rendue : elle a pour effet de permettre à l'expropriant de poursuivre sa procédure, mais ne prive pas le propriétaire de l'usage de son bien.
La déclaration d'utilité publique peut faire l'objet d'un recours :
- soit amiable : il consiste à demander à l'administration de reporter sa décision ;
- soit contentieux pour excès de pouvoir : exercé devant le tribunal administratif, il vise à faire annuler l'acte de déclaration d'utilité publique.
Bon à savoir : le recours exercé n'empêche toutefois pas la procédure d'expropriation de se poursuivre.
Enquête parcellaire préalable à la procédure d'expropriation
À côté de l'enquête d'utilité publique, la personne publique expropriante doit également réaliser une enquête parcellaire, afin de déterminer précisément l'immeuble concerné par la procédure, et son propriétaire.
Cette enquête est clôturée par un arrêté de cessibilité qui déclare que la propriété nécessaire à l'opération d'utilité publique est cessible. Cet arrêté peut également faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif.
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La procédure d'expropriation
La procédure d'expropriation est confiée au juge de l'expropriation, qui est un juge auprès du tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance). Son rôle consiste à prendre l'ordonnance d'expropriation et à fixer l'indemnité devant être allouée à l'exproprié.
Bon à savoir : le juge de l'expropriation n'a pas le pouvoir de juger de l'opportunité de l'opération, ou encore de l'utilité publique du projet. Ces deux points relèvent de la seule compétence du tribunal administratif.
Première étape : l'ordonnance d'expropriation
L'ordonnance d'expropriation comporte la désignation précise du bien exproprié et identifie le propriétaire concerné par la procédure.
Comme elle rend exécutoire un transfert de propriété du bien au profit de la personne publique expropriante, elle doit être publiée au Fichier immobilier.
L'ordonnance d'expropriation produit trois effets :
- la personne publique expropriante est déclarée propriétaire du bien, mais l'exproprié peut encore user de ce dernier ;
- tous les droits réels immobiliers grevant le bien, comme les servitudes conventionnelles, ainsi que les droits personnels, comme les baux d'habitation, s'éteignent ;
- elle ouvre un droit à indemnisation de l'exproprié.
Bon à savoir : l'ordonnance d'expropriation peut être attaquée uniquement par la voie de la cassation, sous un délai impératif de 15 jours à compter de la réception par l'exproprié de la notification.
Deuxième étape : la fixation de l'indemnité d'expropriation
Dans son ordonnance, le juge de l'expropriation doit fixer le montant de l'indemnité due au propriétaire exproprié. Il doit procéder à l'évaluation du bien et en déterminer la valeur. Le montant de l'indemnité d'expropriation doit être en corrélation avec le préjudice subi par le propriétaire foncier. Cette décision n'intervient que si aucun accord amiable n'a été trouvé entre la personne publique expropriante et l'exproprié.
Le jugement arrêtant le montant de l'indemnité peut faire l'objet d'un appel, si l'expropriant et l'exproprié estiment que le montant de l'indemnisation est insuffisant.
Bon à savoir : la procédure d'expropriation peut durer entre une et plusieurs années, entre le moment où la personne publique lance la procédure, et celui où le transfert de propriété est effectif.
À noter : en application des articles L. 321‑1 et R. 322‑5 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, une indemnité doit être accordée au titre de la perte de jouissance et d’usage d’un garage dans le cadre d’un enclavement résultant directement de l’acquisition des parcelles et n’étant pas couvert par l’indemnité de remploi (Cass. 3e civ., 29 mars 2018, n° 17‑11.507).