Loi Gayssot

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Une avocate travaille 123RF / Kzenon

La loi n° 90-615 du 13 juillet 1990, dite Loi Gayssot (du nom du député Jean-Claude Gayssot qui en fut l'initiateur), tend à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.

Elle crée le délit de « négationnisme » qui consiste à contester les crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui a fait l'objet de vives polémiques.

Dispositions de la loi Gayssot

Si la loi se présente comme un apport à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, elle est surtout assimilée au délit de négationnisme qu'elle crée.

Lutte contre le racisme

La Loi Gayssot complète la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1981 en posant en son article premier que « Toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite. »

Les contrevenants sont passibles des peines d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

Le délit de négationnisme

La loi Gayssot innove en ce qu'elle instaure un nouveau délit en son article 9 : la contestation de l'existence de crimes contre l'humanité tels que définis dans le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg :

« Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale [...] »

Le crime contre l'humanité visé est « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime. »

Ce délit est inscrit à l’article 24 bis de la loi sur la liberté de la presse de 1881.

Le négationnisme - à savoir la contestation de l’ampleur ou de la réalité du génocide juif - tombe clairement sous le coup de cette loi. 

La loi sanctionne l’expression publique d'un discours niant la réalité du génocide. Ce n'est pas l'opinion qui est sanctionnée, mais sa diffusion dans l'espace public, car c'est une fois exposée au public que cette opinion peut devenir dangereuse.

Bon à savoir : l'étude du génocide, la réflexion sur le génocide reste possible.

Loi Gayssot : débat sur le délit de négationnisme

La création du délit de négationnisme a créé un vif débat entre politiques, mais également entre historiens, et acteurs de la vie publique.

La polémique a souvent été mise sur le devant de la scène suite aux interventions de Vincent Reynouard, révisionniste, cherchant à obtenir l’abrogation pure et simple de la loi Gayssot.

Arguments des opposants à la loi Gayssot

Deux arguments principaux ont été soulevés à l'encontre de la Loi Gayssot :

  • En premier lieu, l'atteinte qu'elle porte à la liberté d'expression et d'opinion. La loi imposerait la façon dont on doit parler de l'Histoire. Par conséquent, la loi serait contraire à la Constitution et aux droits de l'Homme, et donc à plusieurs textes internationaux ratifiés par la France.
  • En second lieu, il a été soutenu qu'il n'était pas normal que la loi soit limitée au seul génocide des Juifs. Pour ne pas créer d’inégalité devant la loi, et de discrimination injustifiée entre les victimes, elle devrait aussi concerner les victimes des autres génocides reconnus en France : le génocide arménien de 1915, et le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.

Le Conseil constitutionnel a tranché

Le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi immédiatement, l'opposition parlementaire ayant redouté d'être accusée par un facile raccourci de soutenir des thèses négationnistes.

À nouveau saisie en 2015, la Cour de cassation reconnaît que cet article est « susceptible de créer une inégalité devant la loi », et transmet le 6 octobre 2015 une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Le 8 janvier 2016, le Conseil Constitutionnel rend sa décision et déclare constitutionnel le délit de contestation des crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale :

  • « Seule la négation, implicite ou explicite, ou la minoration outrancière de ces crimes est prohibée, et les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire les débats historiques ». Il y a donc une atteinte justifiée, nécessaire et proportionnée à la liberté d’expression, dans le cadre de la lutte contre certaines manifestations particulièrement graves d'antisémitisme et de haine raciale.
  • Le législateur a voulu « traiter différemment des agissements de nature différente ». Il n'y a pas d'atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale.

L'apport de la loi « Égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017

Cette loi punit la négation, la minoration ou la banalisation outrancière de l'existence :

  • d'un crime de génocide autre que le génocide juif lors de la Seconde Guerre mondiale ;
  • d'un crime contre l'humanité ;
  • d'un crime de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ;
  • d'un crime de guerre ;
  • lorsque ces crimes ont donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale.

Bon à savoir : la loi ne permet toujours pas de sanctionner le génocide arménien qui n'a été qualifié de génocide par aucune convention internationale, ni aucune décision rendue par une juridiction internationale ou française.

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