Harcèlement sexuel au travail

Sommaire

Harcèlement sexuel : non reconnu en cas de réciprocité

Le harcèlement sexuel se définit dans le Code pénal comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité [...], soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Il est puni par la loi.

Toutefois, dans certaines situations, le harcèlement sexuel peut ne pas être reconnu. C'est notamment le cas si la personne qui se dit harcelée a répondu positivement aux avances qui lui étaient faites.

Harcèlement sexuel au travail : un délit pénal

Le Code pénal réprime les faits de harcèlement sexuel en son article 222-33. Ainsi, sont assimilés au harcèlement sexuel :

  • les propos déplacés, même isolés ;
  • les gestes incongrus appelant implicitement ou explicitement à l'acte sexuel ;
  • les pressions exercées par un tiers sur une personne dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle :
    • à son propre profit ;
    • au profit d'un tiers.

La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a modifié l'article 222-33 du Code pénal afin d'y intégrer la notion de propos ou comportements à connotation sexiste. Elle étend par ailleurs le harcèlement sexuel aux situations où :

  • les « propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée » ;
  • les « propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ».

Bon à savoir : suite à la modification de l'article 222-33 du Code pénal, les entreprises doivent mettre à jour cet article dans leur affichage obligatoire.

Si une personne se sent harcelée sexuellement, elle est en droit de porter plainte :

  • à la gendarmerie ou à la police ;
  • ou bien directement auprès du procureur de la République.

Le harcèlement sexuel est passible de sanctions pénales pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement.

Bon à savoir : si vous portez plainte et que le procureur la classe sans suite, vous pouvez déposer une nouvelle plainte en vous constituant partie civile. Ce type de plainte permet d'engager des poursuites pénales sans passer par le procureur de la République.

Le salarié peut également agir au civil en réparation de son préjudice, contre son employeur qui a manqué à son obligation de sécurité. La Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 1er juin 2016, que la responsabilité de l'employeur pouvait être écartée en matière de harcèlement moral s'il justifiait avoir pris les mesures immédiates pour faire cesser les agissements de harcèlement et les mesures nécessaires de prévention (information et formation). ​

Par ailleurs, le fait, pour un employeur accusé de harcèlement, d'avoir été relaxé par le tribunal correctionnel faute d'élément intentionnel ne prive pas le salarié de faire reconnaître la nullité de son licenciement du fait du harcèlement sexuel dont il a été victime (Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-23.682).

À noter : la victime de harcèlement peut appeler le numéro d'aide aux victimes, le 116 006. Elle pourra être aidée anonymement et orientée vers différents réseaux associatifs spécialisés. Le ministère du Travail a par ailleurs publié sur Internet un guide pratique et juridique sur le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail, à l’attention des victimes, témoins et employeurs.

Bon à savoir : un salarié victime ou témoin de faits de harcèlement moral ou sexuel, qui les dénonce, fait l’objet d’une protection. Il ne peut pas être sanctionné. Toutefois, le salarié peut être poursuivi pour diffamation s’il a dénoncé les faits de harcèlement à des personnes autres que l’employeur ou les organes de contrôle du Code du travail (Cass. crim., 26 novembre 2019, n° 19-80.360). De même, dès lors qu’un salarié dénonce des faits de harcèlement sexuel en ayant connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la qualification de dénonciation calomnieuse peut être retenue en raison de la mauvaise foi du salarié.

Obligations de l'employeur en matière de harcèlement sexuel

L'employeur doit porter à la connaissance de tout salarié, personne en stage ou formation, ou candidat au recrutement le principe de l’interdiction du harcèlement sexuel, en indiquant les sanctions pénales encourues en cas d’infraction. L’employeur délivre cette information par tout moyen, dans les lieux de travail, ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche.

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a complété ces dispositions en imposant de nouvelles obligations. L'employeur doit :

  • faire état des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ;
  • délivrer les coordonnées des autorités et services compétents (décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019) : 
    • le médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l'établissement ;
    • l'inspection du travail compétente (en indiquant le nom de l'inspecteur compétent) ;
    • le Défenseur des droits ;
    • le référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes désigné par le CSE parmi ses membres ;
    • dans les entreprises d'au moins 250 salariés : le référent désigné pour orienter, informer et accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

À noter : pour faire référence aux nouvelles dispositions relatives au harcèlement issues de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, les entreprises de plus de 50 salariés doivent avoir modifié leur règlement intérieur au 1er septembre 2022. Le règlement intérieur ne doit pas se contenter de rappeler l’existence de ces dispositions : il doit les reprendre dans leur intégralité.

Bon à savoir : suite à une dénonciation de harcèlement, l’employeur est tenu de déclencher une enquête interne et contradictoire. Il doit entendre les arguments du salarié prétendu victime de harcèlement et de celui qui en est accusé. À défaut, l’employeur court le risque de se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité même si le salarié prétendu victime n’a pas réussi à démontrer qu’il avait été victime de harcèlement (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10551).

Par ailleurs, la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement pour la Sécurité sociale 2023 a créé les rendez-vous de prévention. Proposés à certains assurés, ces rendez-vous sont des séances d’information, d’éducation à la santé, de promotion de la santé et de prévention. Le but est, aussi, de repérer les violences sexistes et sexuelles. Les assurés de 20 à 25 ans et de 40 à 45 ans sont concernés.

Prouver les faits de harcèlement sexuel au travail

Se prétendre victime de propos tendancieux ne suffit pas toujours à obtenir réparation. En effet, les juridictions du travail appréhendent désormais le contexte dans lequel les actes se sont déroulés.

D'après le Code pénal, sont notamment considérées comme des situations de harcèlement sexuel :

  • une « personne qui impose à plusieurs reprises des propos ou des gestes sexistes, homophobes, ou obscènes » ;
  • une « personne qui importune quotidiennement son collègue de travail en lui adressant des messages ou objets à connotation sexuelle malgré sa demande de cesser » ;
  • le « propriétaire d’un logement, examinateur d’un concours ou employeur qui exigent une relation sexuelle en échange de la signature d’un contrat de bail, de la réussite d’un examen ou d’une embauche ».

Attention, la qualification de harcèlement sexuel ne nécessite pas la répétition d'agissements : un fait unique peut suffire à qualifier un acte comme constituant un harcèlement sexuel (Cass. soc., 17 mai 2017, 15-19.300).

Toutefois, un contexte de familiarité réciproque pourrait annihiler les faits de harcèlement. Ainsi, si la personne accusée peut prouver que son accusateur a également eu des comportements familiers, voire évocateurs, à son égard, le harcèlement peut ne pas être reconnu.

Exemple : dans une affaire de 2011, la cour d'appel d'Aix-en-Provence et la Cour de cassation ont jugé qu'on ne pouvait pas reprocher à l'accusé, un employé, d'avoir embrassé sa collaboratrice, puisque ces agissements « s'inscrivaient dans le cadre de relation de familiarité réciproque ». En effet, la personne ayant porté plainte envoyait à l'accusé des mails ponctués de formules affectueuses.

Ainsi, lorsqu'on estime être victime de harcèlement, il est primordial de ne donner à l'agresseur aucun signe pouvant être interprété comme évocateur ou encourageant. La clarté du comportement de la victime détermine la suite donnée à la plainte.

Ces pros peuvent vous aider