Justice : quand agir sans avocat ?

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Avocat et justice Thinkstock

Vous avez entendu cette fameuse réplique dans toutes les séries et dans tous les films policiers : « je ne dirai rien tant que je n'aurai pas parlé à mon avocat ! ».

Sage décision en effet, mais dans certains types de procès, vous pouvez tout à fait agir sans avocat. Décryptage de ces quelques cas particuliers dans notre astuce.

Litiges du travail

Les litiges individuels entre un salarié et son employeur (salaire, licenciement etc.), sont de la compétence du conseil de prud'hommes.

Le salarié peut agir devant les prud'hommes sans avocat. Cependant, la représentation devient obligatoire:

  • Si le salarié ou l'employeur, mécontent de la décision rendue par les prud'hommes, va en cour d'appel (article R. 1461-1 du Code du travail).
  • Si l'affaire va en cassation, le salarié ou l'employeur doit obligatoirement prendre un avocat aux Conseils : c'est une catégorie d'avocats que l'on nomme les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

Devant les prud'hommes, si les parties n'ont pas d'avocat, elles peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter par :

  • Les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité.
  • Les défenseurs syndicaux.
  • Leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou leur concubin.

L'employeur peut également se faire assister ou représenter par un membre de l'entreprise ou de l'établissement fondé de pouvoir ou habilité à cet effet.
Le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial, valant également pouvoir de concilier devant le bureau de conciliation et d'orientation (article L. 1453-1 A du Code du travail, tel qu'issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice).

Juridictions administratives : quand faire appel à un avocat ?

Les juridictions administratives ont compétence dans le cas de décisions administratives.

Tribunaux administratifs

Le tribunal administratif (TA) est compétent en premier ressort. Si la réglementation le prévoit, l'avocat y est obligatoire.

Ainsi, l'article R. 431-2 du Code de justice administrative prévoit que l'instance doit être introduite par un avocat dans les cas suivants

  • demande de paiement d'une somme d'argent ;
  • demande de décharge ou de réduction d'une somme dont le paiement est réclamé à la personne ;
  • litige né de l'exécution d'un contrat.

Toutefois, l'avocat n'est pas obligatoire dans les cas suivants :

  • les litiges concernant des contraventions de grande voirie ;
  • les litiges concernant les contributions directes ;
  • les litiges concernant les taxes sur le chiffre d'affaires ou les taxes assimilées ;
  • les litiges individuels concernant les agents de l'État ou des autres collectivités publiques ;
  • les litiges individuels concernant les agents de la Banque de France ;
  • les litiges concernant :
    • les pensions ;
    • les contentieux sociaux (en matière de prestations, d'allocations ou de droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi) ;
    • les emplois réservés ;
    • l'indemnisation des rapatriés ;
  • les litiges dans lesquels le défendeur (la personne que l'on attaque devant le tribunal) est :
    • une collectivité territoriale ;
    • un établissement public relevant d'une telle collectivité ;
    • un établissement public de santé ;
  • les demandes d'exécution d'un jugement définitif.

Dans la pratique, beaucoup de litiges devant le TA ne nécessitent pas d'avocat.

Cours administratives d'appel

La cour administrative d'appel (CAA) est la juridiction d'appel en droit administratif. En principe, le recours à un avocat y est obligatoire.

Toutefois, le recours à l'avocat n'est pas obligatoire notamment dans les cas suivants (article R. 811-7 du Code de justice administrative) :

  • les litiges concernant les contraventions de grande voirie (il s'agit d'atteintes au domaine public) ;
  • les demandes :
    • d'exécution d'un arrêt de la CAA ;
    • d'exécution d'un jugement rendu par un tribunal administratif situé dans le ressort de la CAA et frappé d'appel devant ladite CAA.

Dans certains cas particuliers, l'appel relève directement du Conseil d'État. Dans ce cas, le recours à l'avocat est en principe facultatif.

Présence d'un avocat au Conseil d'État

Le Conseil d’État est la juridiction suprême en matière administrative. C'est un peu l'équivalent, pour le droit administratif, de la Cour de cassation pour le droit privé.

Le recours à un avocat est obligatoire, sauf dans des cas particuliers :

  • les recours exercés contre les décisions de la commission centrale d'aide sociale ;
  • les recours exercés contre les décisions des cours régionales des pensions militaires.

Justice civile

Il s'agit de litiges entre particuliers (dettes, troubles de voisinage, responsabilité civile et demandes de dommages-intérêts etc).

Tribunal judiciaire

Il est obligatoire de se faire représenter par un avocat devant le tribunal judiciaire (TJ), sauf exceptions (article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile).

Bon à savoir : le 1er janvier 2020, les tribunaux d'instance et de grande instance ont fusionné pour devenir le tribunal judiciaire (loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice). Les tribunaux d'instance qui étaient situés dans des communes différentes des tribunaux de grande instance, sont devenus des chambres détachées du tribunal judiciaire, appelées « tribunaux de proximité ».

L'avocat n'est pas obligatoire dans les cas suivants :

  • les élections et désignations professionnelles ;
  • les procédures collectives ;
  • les demandes portant sur un montant inférieur ou égal 10 000 € ou les demandes indéterminées ayant pour origine une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 € (hors matières de la compétence exclusive du tribunal judiciaire) ;
  • les matières figurant au tableau IV-II du Code de l'organisation judiciaire ;
  • les tutelles des majeurs ;
  • les expulsions ;
  • les baux d'habitation ;
  • les crédits consommation ;
  • les surendettements des particuliers ;
  • les procédures autres que la procédure de divorce, de séparation de corps, de liquidation et de partage ;
  • les intérêts patrimoniaux ;
  • les procédures aux fins de mesure de protection des victimes de violences ;
  • les saisies des rémunérations ;
  • les assistances éducatives ;
  • les mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial.

Si elles n'ont pas d'avocat, les parties peuvent se défendre elles-mêmes, ou être représentées par :

  • leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
  • leurs parents ou alliés en ligne directe ;
  • leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
  • les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.

Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial (article 762 du Code de procédure civile).

Cour d'appel

Sauf dispositions légales contraires pour certains types d'affaires, pour aller devant la cour d'appel, il faut obligatoirement un avocat.

L'avocat n'est pas obligatoire en appel notamment dans les cas suivants :

  • appel d'un jugement de TJ concernant une déclaration d'abandon ;
  • appel formé contre un jugement du tribunal judiciaire concernant le surendettement ;
  • appel contre un jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Cour de cassation

Devant la Cour de cassation, le demandeur ou le défendeur doit obligatoirement prendre un avocat aux Conseils (article 973 du Code de procédure civile).

Juridictions particulières

L'avocat n'est pas obligatoire devant les juridictions suivantes :

  • le tribunal de commerce : compétent pour les litiges entre commerçants ;
  • le pôle social du tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître des affaires sociales de l'article L. 211-16 du Code de l'organisation judiciaire : compétent pour des litiges entre les organismes de sécurité sociale et les usagers ;
  • le tribunal paritaire des baux ruraux : compétent pour les affaires relatives aux exploitations agricoles.

Justice pénale

Si vous êtes victime d'une infraction pénale, il existe plusieurs procédures.

Agir au pénal sans avocat

Légalement, l'avocat n'est pas obligatoire pour les procédures suivantes :

  • plainte adressée directement au Procureur de la République ;
  • pour les délits et les crimes, il est possible de se constituer partie civile, sous certaines conditions :
    • l'avocat n'est pas obligatoire légalement ;
    • toutefois, la procédure est complexe, et l'avocat s'avérera nécessaire pour avoir accès au dossier ;
  • pour les contraventions et les délits, il est possible de procéder par voie de citation directe :
    • l'avocat n'est pas obligatoire légalement ;
    • dans la pratique, il est impossible de procéder de cette manière sans avocat, car il faut connaître la procédure et le fond du droit pénal.

Se défendre au tribunal sans avocat

Il est possible de se défendre sans avocat devant :

  • le tribunal de police (pour les contraventions) ;
  • le tribunal correctionnel (pour les délits).

Par contre, l'avocat est obligatoire :

  • devant le tribunal pour enfants ;
  • pour l'accusé devant la cour d'assises (qui juge les crimes).

Cependant, à titre exceptionnel, l'accusé peut être autorisé à se faire conseiller par un parent ou un ami.

La partie civile n'est pas légalement obligée de se faire représenter par un avocat en cour d'assises. Mais l'avocat est vivement conseillé.

Bon à savoir : la procédure pénale est complexe. Il est fortement conseillé de recourir à un avocat qui la connaisse bien. Dans la pratique, c'est même indispensable.

Choisir ou non un avocat : nos conseils

Normalement, quand une décision de justice est notifiée à l'intéressé, elle mentionne :

  • les voies de recours (appel, etc.) ;
  • les délais pour exercer ces recours ;
  • l'obligation ou non de prendre un avocat.

En définitive, quand l'avocat n'est pas obligatoire, il est quand même possible d'y avoir recours.

Pour choisir de recourir ou non à un avocat, il convient de prendre en compte notamment les éléments suivants :

  • pour se défendre seul, il faut :
    • être capable d'argumenter ;
    • être capable d'apporter des preuves ;
    • connaître la branche du droit concernée (droit civil, ou droit du travail, ou droit pénal etc.) ;
  • si l'on se défend seul, on doit assumer un certain nombre de coûts :
    • coût des photocopies de pièces et d'argumentaires, qu'il faudra communiquer au tribunal et à la partie adverse ;
    • coût des envois à son adversaire, en recommandé avec accusé de réception ;
  • si l'on prend un avocat, il faut qu'il connaisse la branche du droit concernée. Par exemple :
    • un avocat qui ne fait que du prud'homal, ne connaît pas obligatoirement bien le droit pénal ;
    • un avocat spécialisé en droit administratif, ne connaîtra pas obligatoirement le Code du travail et la jurisprudence qui s'y rapporte.

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