Porter plainte pour violences conjugales

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Homme et femme qui se disputent Getty Images / monkeybusinessimages

Vous êtes victime de violences au sein de votre couple (coups, insultes, humiliations, viol ou autres, infligés par votre conjoint(e), concubin(e) ou partenaire de PACS). Le moyen le plus efficace pour les faire cesser est de porter plainte.

Le dépôt d’une plainte déclenche une enquête et peut aboutir à la condamnation de l’auteur(e) des faits à une peine d’amende et/ou d’emprisonnement. À tous les stades de la procédure, des mesures peuvent être prises pour assurer votre sécurité.

Voici comment porter plainte pour violences conjugales.

Zoom sur les démarches préalables ou parallèles à un dépôt de plainte pour violences conjugales

Il est parfois difficile pour certaines victimes de violences de porter plainte contre leur agresseur. Si le dépôt d’une plainte est le meilleur moyen de faire cesser les violences, d’autres démarches peuvent vous aider.

Bon à savoir : l’application « Ma Sécurité » permet d'entrer en contact avec la police ou la gendarmerie 7 j/7 et 24 h/24 grâce à un tchat. Cette application propose un service de pré-plainte et de signalement, un accès à l'ensemble des numéros d'urgence et des renseignements sur les démarches à suivre en cas de vol mais aussi en cas de violences, de menaces ou d’escroquerie.

À noter : l’application justice.fr a été mise en place par le ministère de la Justice pour mieux informer les citoyens. L'application permet de situer les points de justice et les tribunaux les plus proches, de trouver des professionnels du droit (avocats, commissaires de justice), d’estimer ses droits financiers en matière de justice (aides juridictionnelles), ainsi que d'être renseigné et aidé dans ses démarches par des conseils et organismes compétents.

Rapprochez-vous d’une association

Il existe des associations spécialisées dans l’accompagnement et le conseil des victimes de violences conjugales. 

Les Centres d’information sur le droit des femmes et des familles (CIDFF) peuvent vous communiquer leurs coordonnées. La liste des CIDFF, des conseils et les coordonnées de différentes associations sont disponibles sur le site www.infofemmes.com.

Bon à savoir : si vous êtes un homme, vous pouvez également vous adresser à un CIDFF ; l'association SOS hommes battus, quant à elle, tient une permanence téléphonique au 09 81 02 82 89.

À noter : il est possible de signaler des violences conjugales depuis un service de signalement en ligne. Ce service, disponible 24 h/24 et 7 j/7, permet d'échanger par messagerie instantanée afin de bénéficier d'un accompagnement, de conseils et d'assistance.

Faites constater vos éventuelles blessures

Consulter un médecin vous permettra d’être écouté et d'obtenir un certificat médical constatant vos éventuelles blessures.

En cas de viol ou de violences sexuelles, n'hésitez pas à aller voir votre gynécologue.

Bon à savoir : le certificat médical peut tenir lieu de preuve si vous décidez de porter plainte ; conservez-le précieusement. Depuis le 2 avril 2021, vous pouvez obtenir une copie du certificat médical constatant les violences, à votre demande (décret n° 2021-364 du 31 mars 2021). Cette remise peut être réalisée par tout moyen, y compris par voie dématérialisée, par l’envoi d’une version numérisée du certificat à l’adresse électronique de la victime.

Déposez une main courante

Déposer une main courante consiste simplement à informer les services de police ou de gendarmerie des violences que vous avez subies : elle n’entraîne pas de poursuites. Cependant, elle est utile car elle constituera un élément de preuve si vous décidez par la suite de porter plainte.

Rendez-vous au commissariat ou au poste de gendarmerie le plus proche de votre domicile pour signaler les faits. Une copie de la main courante vous sera remise : conservez-la bien, elle constitue une preuve. 

Bon à savoir : dans certaines communes, vous pouvez également déposer une main courante auprès de la police municipale ; renseignez vous auprès de votre mairie.

Quittez le domicile commun

Si vous vivez avec votre agresseur, vous avez le droit de quitter le domicile conjugal – y compris avec vos enfants –, sans que cela puisse vous être reproché. 

Bon à savoir : il s’agit du premier moyen de vous protéger en cassant le contact permanent avec l'auteur des violences.

Assurez-vous de disposer d'une solution d'hébergement (chez un membre de votre famille ou chez des amis, par exemple). À défaut, certaines associations peuvent vous aider à trouver un hébergement d'urgence (leurs coordonnées sont disponibles sur le site www.infofemmes.com ou peuvent être communiquées par téléphone au 01 42 17 12 00 ou au 3919).

Si votre agresseur est votre conjoint : déposez une main courante au commissariat ou à la gendarmerie pour signaler aux autorités judiciaires que vous partez de chez vous pour cause de violences ; cela empêchera votre conjoint violent d’invoquer par la suite un abandon du domicile conjugal, notamment à l’appui d’une demande de divorce pour faute.

Si votre agresseur est aussi le parent de vos enfants :

  • Déposez une main courante.
  • Puis saisissez le juge aux affaires familiales pour qu’il statue en urgence sur l’autorité parentale et le domicile des enfants mineurs.

Saisissez le juge aux affaires familiales

Que vous portiez plainte ou non, le juge aux affaires familiales (JAF) peut être saisi d'une demande d'ordonnance de protection. Par cette ordonnance :

  • il prend des mesures visant à vous protéger des violences, et notamment :
    • obliger votre agresseur à quitter le domicile ;
    • lui interdire d’entrer en contact avec vous ;
    • vous autoriser à dissimuler votre adresse durant la procédure de divorce ;
  • il statue sur la situation matérielle et les relations avec les enfants, notamment les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Exemple : le JAF peut décider de vous confier la garde de vos enfants.

L’ordonnance peut être demandée par toute personne mise en danger par des violences :

  • physiques, psychologiques ou sexuelles ;
  • exercées par son conjoint ou ancien conjoint, son partenaire ou ancien partenaire de PACS, son concubin ou ancien concubin.

Le JAF est saisi par requête (formulaire à déposer au greffe du tribunal).

Les articles 515-9 à 151-11 du Code civil, modifiés par la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, élargissent les conditions d'application de l'ordonnance de protection dans le cadre de violences au sein de la famille : sa délivrance n'est plus conditionnée à l'existence d'une plainte pénale préalable, elle peut être délivrée même lorsqu'il n'y a pas de cohabitation, et elle est délivrée dans un délai de 6 jours maximum à compter du moment où le juge fixe la date d'audience.

Bon à savoir : l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire mais fortement conseillée ; en cas de difficultés financières, vous pouvez demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle afin que les frais de procédure (frais d’avocat, et d’huissier, par exemple) soient pris en charge par l’État ; certaines associations, notamment les CIDFF (www.infofemmes.com), peuvent également vous assister.

Le non-respect d’une ordonnance de protection est un délit puni de 2 ans d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. 

1. Mettez les éléments de preuve des violences conjugales en lieu sûr avant de porter plainte

Si vous portez plainte, vous devrez prouver l’existence des violences que vous avez subies. Conservez donc bien toutes les preuves dont vous disposez (certificats médicaux, copie du dépôt de main courante, témoignage de proches, photos de vos blessures, SMS menaçants ou insultants ou lettres de votre agresseur, etc.).

Bon à savoir : en particulier si vous vivez toujours avec l’agresseur, il est conseillé de garder toutes ces preuves hors de votre domicile et dans un lieu sûr (chez des amis, par exemple) pour s’assurer que l’auteur des violences ne puisse pas en prendre connaissance ou les détruire.

2. Déposez une plainte simple pour violences conjugales

Vous disposez de deux options pour porter plainte pour violences conjugales : le faire soit auprès d'un service de police, soit directement auprès du procureur de la République.

Déposez une plainte simple auprès d'un service de police ou de gendarmerie

Présentez-vous à un commissariat ou une brigade de gendarmerie et communiquez au policier ou au gendarme chargé d’enregistrer votre plainte les preuves en votre possession. Ils ne peuvent pas refuser de recevoir votre plainte.

Exemples de preuves : votre dépôt d’une main courante, certificat médical, arrêts de travail, photos de blessures, messages insultants ou menaçants...

Bon à savoir : certaines associations proposent d’accompagner les victimes lors du dépôt de plainte.

Votre plainte sera ensuite transmise au procureur de la République.

Déposez une plainte simple auprès du procureur de la République

Contactez directement le procureur de la République en envoyant une lettre sur papier libre au tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance – TGI) du lieu de l’infraction ou du domicile de l’auteur des violences.

Votre lettre doit contenir :

  • votre identité complète (nom, prénom, date de naissance) ;
  • votre adresse et votre numéro de téléphone ;
  • le nom de votre agresseur ;
  • le récit détaillé des faits de violence, avec mention des dates et des lieux ;
  • les noms et adresses des éventuels témoins des violences ;
  • la description de votre préjudice ;
  • tous les éléments de preuve en votre possession.

3. Attendez les suites données à votre plainte simple

Une fois qu'il a reçu votre plainte, le procureur de la République décide de la suite à y donner.

Dans les cas de violences les moins graves, il peut ne pas poursuivre votre agresseur devant le tribunal, mais mettre en œuvre des mesures dites « alternatives » (article 41-1 du Code de procédure pénale, tel qu’issu de la loi n° 2021-401 du 8 avril 2021) :

  • convoquer l’auteur des faits pour un rappel à la loi ;
  • lui demander de suivre un stage de responsabilisation concernant la lutte contre les violences au sein du couple ;
  • lui demander de résider hors du domicile du couple et de ne plus y paraître ;
  • lui interdire d’entrer en contact avec vous ;
  • lui demander de faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique (en cas de problème d’alcoolisme notamment) ;
  • organiser une médiation pénale ;
  • remettre la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction aux autorités compétentes ou à une personne morale à but non lucratif ;
  • verser une contribution citoyenne à une association agréée d’aide aux victimes (cette contribution financière plafonnée à 3 000 € n’est pas une amende pénale).

Bon à savoir : dans ce dernier cas, et uniquement si vous le demandez, le procureur de la République peut vous permettre de négocier librement un accord avec votre agresseur.

Si l’auteur des faits ne respecte pas les mesures décidées par le procureur, celui-ci engagera des poursuites.

Dans les cas de violences les plus graves, le procureur de la République engage des poursuites :

  • en convoquant directement l’auteur des faits à une audience devant le tribunal ;
  • en demandant l’ouverture d’une information judiciaire, c’est-à-dire une enquête menée par le juge d’instruction.

Important : le procureur ne peut pas statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ; mais en parallèle de votre dépôt de plainte, vous avez la possibilité de saisir le JAF (ce que peut aussi faire le procureur si besoin).

Bon à savoir : en cas de condamnation, votre agresseur encourt des peines variables selon la gravité et les circonstances des faits – elles vont de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende, pour les violences les moins graves, à 20 ans de réclusion criminelle dans les cas les plus graves.

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4. Déposez une plainte avec constitution de partie civile si la plainte simple échoue

Si votre plainte échoue (c’est-à-dire que le procureur de la République vous a fait savoir qu’il n’engagerait aucune poursuite) ou demeure sans réponse pendant plus de 3 mois, vous pouvez saisir directement un juge d’instruction et déposer une plainte avec constitution de partie civile.

Envoyez une lettre au juge d'instruction

La plainte avec constitution de partie civile doit être écrite. Votre lettre doit contenir :

  • votre identité complète (nom, prénom, date de naissance) ;
  • votre adresse ;
  • la description des faits pour lesquels vous demandez l'ouverture d'une information judiciaire (décrivez le plus précisément possible les violences dont vous avez été victime) ;
  • l'identité de votre agresseur. 

Adressez votre plainte avec constitution de partie civile par lettre simple au doyen des juges d'instruction du TGI du lieu de résidence de votre agresseur ou du lieu de l'infraction.

Joignez à votre courrier :

  • un justificatif de ressources (par exemple, un avis d'imposition) ;
  • la preuve de votre dépôt de plainte préalable (pour les délits et contraventions), c'est-à-dire :
    • soit la copie de la plainte déposée devant le procureur de la République ou les services de police, accompagnée de la copie de l'avis de classement sans suite qui vous a été adressé par le procureur ;
    • soit la copie de la plainte déposée, accompagnée de la preuve que celle-ci a été remise au procureur depuis au moins 3 mois (récépissé de remise de la plainte si vous vous êtes déplacé au tribunal ou accusé de réception si vous l'avez envoyée).

Sans l'un de ces deux derniers documents, le juge d'instruction déclarera votre plainte avec constitution de partie civile irrecevable et n'ouvrira pas d'information judiciaire.

Bon à savoir : vous avez la possibilité soit de régulariser votre plainte en envoyant les documents requis, soit de faire appel de la décision du juge dans un délai de 10 jours, soit de lui adresser une nouvelle plainte comportant cette fois-ci tous les documents.

Si votre plainte contient tous les éléments nécessaires, le juge d'instruction vous demandera de verser une consignation.

Versez la consignation

Une fois les documents nécessaires fournis, le juge d'instruction constate votre dépôt de plainte dans une ordonnance qui vous est adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Il y indique une somme (la consignation) que vous devez déposer au greffe du tribunal dans le délai imparti.

Bon à savoir : le montant de la consignation étant fonction de vos ressources, pensez à joindre un justificatif (par exemple, un avis d'imposition) ; vous pouvez aussi, pour ne pas avoir à la verser, demander à bénéficier de l'aide juridictionnelle ; le juge peut également vous dispenser de verser une consignation ; en principe, celle-ci vous est restituée à la fin de la procédure.

Si le juge d'instruction considère que votre plainte avec constitution de partie civile est abusive, il peut vous condamner à une amende (15 000 € maximum). La consignation a pour but de garantir le paiement de l'amende si celle-ci est prononcée.

Attendez la décision du juge d'instruction

Une fois votre dépôt de plainte constaté et le montant de la consignation versé (sauf dispense), le juge d’instruction décide s’il y a lieu ou non d’ouvrir une information judiciaire. Au préalable, il peut vous convoquer pour vous entendre et obtenir des précisions ou vous demander de fournir des informations ou documents supplémentaires.

Au final, le juge d'instruction décide :

  • de ne pas ouvrir d’information judiciaire – il rend alors une ordonnance de non-informer ;

Bon à savoir : vous pouvez faire appel de cette ordonnance dans un délai de 10 jours.

  • d’ouvrir une information judiciaire – vous serez donc partie civile au cours de l’information, ce qui vous donne des droits pendant la procédure (informations sur l’enquête, demandes d’actes d’enquête, etc.) et vous permettra d’obtenir l’indemnisation de votre préjudice si l’auteur des faits est condamné.

Important : le juge peut aussi décider de mesures de protection dans le cadre d’un contrôle judiciaire imposé à l’auteur des violences (obligation de quitter le domicile, interdiction d’entrer en contact avec vous, obligation de prise en charge, etc.) ; votre adresse peut également être tenue cachée à votre agresseur pendant la procédure.

À la fin de l'instruction, si le juge estime avoir suffisamment d'éléments de preuve des violences, il peut envoyer votre agresseur devant un tribunal afin qu'il soit jugé et éventuellement condamné.

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