Vous êtes victime et vous êtes sur le point d'engager un procès contre le responsable de votre préjudice. De quelle nature est-il ? Il est peut-être question d'un préjudice dû à un trouble de jouissance. Le point sur la question.
Définition du préjudice de jouissance
Le préjudice consiste en une atteinte portée par un tiers :
- aux droits ;
- aux intérêts ;
- à l'intégrité physique ou morale ;
- au bien-être de quelqu'un.
La jouissance d'un bien est l'un des attributs de la propriété juridique de celui-ci. En effet, l'article 544 du Code civil dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Le préjudice de jouissance est donc une atteinte au droit de propriété, que le bien soit meuble ou immeuble.
Préjudice de jouissance : conditions d'octroi
L'octroi d'un préjudice relève, en droit français, du droit commun de la responsabilité, contractuelle (articles 1194 et suivants du Code civil) ou délictuelle (articles 1240 et suivants du Code civil).
Pour cela, il faut que soient réunis :
- un fait générateur de responsabilité/une faute ;
- un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.
Le préjudice doit être certain. Pour subir un préjudice de jouissance, le propriétaire du bien doit avoir subi en atteinte ou une privation concernant celui-ci. Le bien doit avoir été immobilisé, endommagé de telle manière à ce que son propriétaire ou locataire subisse un « trouble de jouissance ». Le préjudice doit être indemnisable.
Exemple : un préjudice tiré de loyers non perçus sur un bien mis en location de manière illégale ne sera pas indemnisable.
Bon à savoir : la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice simplifie la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, en donnant compétence exclusive au juge civil du tribunal judiciaire de Paris, désigné sous le nom de « juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme » (JIVAT), pour traiter le contentieux de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. Les juridictions pénales deviennent incompétentes pour connaître des demandes en réparation du dommage causé par l’infraction (article L. 217-6 du Code de l'organisation judiciaire).
Évaluation du préjudice de jouissance
L'évaluation du préjudice doit correspondre à la réalité du trouble subi par la victime. C'est le ou les juges, chargés de l'affaire, qui se prononceront sur le montant de l'indemnité, en fonction des éléments du dossier.
Il convient donc d'établir de manière objective :
- la durée du trouble ;
- la valeur correspondante à la perte d'usage de la chose.
La durée de l'immobilisation ou de l'impossibilité d'utilisation du bien est toujours l'objet de vives controverses. Il n'est pas aisé de déterminer objectivement quelle est la durée nécessaire pour la réalisation de travaux ou une remise en état de la chose.
La Cour de cassation considère que c'est une question qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Civ. 2, 8 juill. 1987 : Bull. civ. 1987, II, n° 152).
L'indemnité versée du fait d'un préjudice de jouissance vient couvrir :
- la perte de l'utilisation du bien sur une durée déterminée ;
- ou sa valeur de remplacement.
L'indemnisation de la perte de jouissance ne soulève pas de difficulté particulière lorsque la victime a été tenue de louer un bien équivalent dans l'attente de la remise en état du sien. Les difficultés relatives à la durée et la valeur du bien sont alors amoindries.
Exemple : le coût d'une voiture de location en remplacement d'un véhicule immobilisé (CA Aix-en-Provence, 30 mars 2004, jurisdata n° 2004-240193).
Enfin, il n'est pas rare de devoir faire intervenir un expert, d'assurances ou judiciaire, afin qu'il chiffre le préjudice de jouissance subi.
Exemple : en cas de sinistre dégât des eaux rendant une pièce inhabitable, l'expert va déterminer au prorata de la surface du bien de combien doit être réduit le loyer. Cette évaluation constitue le préjudice de jouissance.